Les fiancailles de Babamama

« Shri Mataji apprit la nouvelle de mon envie de me marier, et immédiatement la recherche commença. En septembre 1962, je me rendis à Bombay pour une expertise comptable. Shri Mataji alors y résidait. Elle me demanda si j’avais une préférence. Je répondis que ma mère était la seule considération à prendre en compte, et que je recherchais quelqu'un qui pourrait s’occuper d’elle et de sa santé. Une femme active avec un travail ne conviendrait pas. Shri Mataji m’annonça qu’Elle allait étudier la question et ceci clôt le sujet.

De retour à Nagpur, je reçus un appel de Shri Mataji. Elle désirait qu’une de mes photos soit envoyée à monsieur Ranbhise, dont la plus jeune fille était à marier et correspondait à mes attentes. J’envoyai une photo et demandai à Shri Mataji de m’en faire parvenir une de la jeune fille. Plusieurs jours s'écoulèrent mais je ne recevais toujours pas de photo en réponse. Je crus finalement que la personne ne voulait plus m’épouser. Puis, fin octobre 1962, Shri Mataji m’écrivit une lettre en y joignant une photo. Quand je vis celle-ci, je me mis à rire. Ma mère me demanda pourquoi je m’esclaffai et je lui répondis que je m’attendais à voir la photo d'une éventuelle épouse qui, je le savais, avait vingt-trois ou vingt-quatre ans. Mais la photo montrait une fillette de douze ans portant un bébé de deux ans, et j’étais incapable de savoir laquelle des deux serait ma future femme ! Je répondis à la lettre de Shri Mataji, qui écrivit en retour aux parents de la demoiselle, leur demandant de conduire leur fille de Pali à Bombay, (ville se situant à 50 kilomètres de Ganapatipule sur la route menant de Bombay à Goa).
Un rendez-vous fut fixé pour la mi-novembre. Trois de mes amis, Madhu, Shyam, et Ganu, persuadèrent Shri Mataji et moi-même, qu’ils devaient aussi m’accompagner pour rencontrer la jeune femme. Voyant cela, Sir C. P. me prit à part et me donna un conseil dont j'allais me souvenir toute ma vie. Il me dit que je devais me rendre à cette entrevue sans aucune idée préconçue. Je n’étais pas en plein interrogatoire, et, en m'adressant à la jeune fille, je devais avant tout préserver sa dignité et son honneur. Si j’avais le droit de la rejeter, elle en avait autant le droit que moi. Il ajouta que je n’étais pas sur un piédestal, et que mon refus éventuel ne pouvait se fonder sur ce qu'elle venait de me dire. (D’une façon générale en Inde, lors de ces rendez-vous organisés, le garçon est supposé poser des questions stupides pour savoir si la fille sait cuisiner, coudre, chanter …etc., comme si c’étaient les critères d’un mariage) Pour Sir C.P. et Shri Mataji, la dignité humaine primait sur toute autre considération.

Je me souviens que je portais un costume, vêtement hautement inapproprié au climat de Bombay. Pour couronner le tout, j’ai tendance à suer, c'est très connu, et je me mis donc à transpirer dès que je fus dans la voiture qui me conduisait vers la jeune fille. Tout le monde se moqua de moi, disant que j’étais nerveux. Mais en fait, je réfléchissais aux conseils de Sir C.P. et les retournais dans ma tête. Quand nous arrivâmes à la maison, je fus surpris de constater qu’il n’y avait aucun ventilateur dans la pièce où nous étions assis. Pendant que mon futur beau-père me parlait, la moitié de mon attention était concentrée sur le fait de m’éponger la transpiration, tandis que l’autre était impatiente que cette épreuve finît au plus vite. Shri Mataji était à l’intérieur pour préparer la jeune fille, puis, après quinze longues minutes d’agonie, elle revint accompagnée de la future mariée. Je jetai juste un coup d’œil vers elle, car j'étais trop gêné par la présence de mes trois amis, de Shri Mataji et de son père pour pouvoir lui parler, et préférais ne rien dire. Après quinze ou vingt minutes de conversation formelle, nous nous séparâmes.
Sur le chemin du retour. Shri Mataji me demanda ce que j'en pensais. Je lui répondis franchement que j’aurais préféré lui parler plutôt que la voir, pour savoir si elle convenait à ce que j’attendais d’une femme, et si je correspondais aussi à ses espérances. Shri Mataji répondit, pour me taquiner, que c'était justement ce que j'aurais dû lui demander lors de ce premier rendez-vous, et je lui avouai que j'étais resté totalement hébété.

Le jour suivant, quand le futur beau-père appela, Shri Mataji lui demanda s'il voulait bien venir chez elle accompagné de sa fille, pour un autre entretien. Cette fois-ci, je lui parlais des responsabilités que j’avais vis-à-vis de ma mère, et donc de ce que j’attendais d’une épouse. Je lui demandais aussi si je convenais à ses souhaits, en ajoutant que j’étais un très mauvais chrétien qui ne se rendait à l’église qu’à Noël ou à Pâques. Après lui avoir parlé de mon salaire, je terminai en lui disant qu’elle était, tout comme moi, libre de refuser cette union. Je me sentis vraiment soulagé de m’être libéré du poids de mes opinions, qui avaient pesé sur moi comme un fardeau. Sa réaction fut positive, et je dis à Shri Mataji que j‘avais mis cartes sur table, et qu’elle avait adhéré à tout ce que j’attendais d’elle.

Je me fiançai à ma future épouse le 30 décembre 1962 à Pali. Etaient présent aux fiançailles, mon frère aîné et ma belle-sœur Shalini, leur trois enfants, Sir C.P., mon frère, Ganu un ami, Kalpana, Sadhana et bien sûr, Shri Mataji. Accompagnée de ses deux filles, elle arriva un jour plus tôt en voiture avec mon frère aîné et sa famille. Ils avaient emprunté la route de Goa qui, pleine de creux et de bosses, était tout à fait inadaptée aux voyages. Nous étions supposés suivre le même chemin le lendemain, mais Shri Mataji nous appela de Ratnagiri pour nous conseiller de venir par Pune.

Le matin du 29 décembre, Sir C.P., mon frère, mon ami et moi-même quittèrent Bombay pour nous rendre à Pali via Pune. Au cours du voyage, j’ai commencé à avoir une poussée de fièvre qui ne cessa de monter. C’était un dimanche et on ne pouvait trouver ni clinique ni docteur à la ronde. On m’administra alors des médicaments et on me fit dormir à l’arrière de la voiture sur les genoux de mon ami, alors que Sir C.P. et mon frère se serraient à l’avant à côté du chauffeur. Nous arrivâmes à Pali vers 23 heures, et mes fiançailles eurent lieu à minuit. Toujours fiévreux, je revêtis un costume pour la cérémonie, et dès que celle-ci fut achevée, je me retirai pour aller dormir. Le jour suivant nous repartîmes pour Bombay, puis rentrèrent en temps utile à Nagpur.

En mai 1963, un autre événement important se produisit. J’avais économisé 700 roupies sur le remboursement des frais de transport que mes clients m'avaient payé. Avec cet argent, j’avais projeté de me faire faire un costume sur mesure plus quelques vêtements. C’est avec beaucoup de fierté et de vantardise que je parlai de mon intention à Shri Mataji. Deux jours avant mon départ pour Nagpur, Elle me dit avoir un besoin urgent d’argent, et me demanda si je pouvais Lui prêter mes 700 roupies d'économies. Je lui offris mon argent à contrecœur, sachant que je ne recouvrirai jamais mes fonds.
Le lendemain matin, je me sentais toujours très déprimé de savoir que mes projets vestimentaires étaient tous tombés à l’eau. C’est alors que Shri Mataji entra dans ma chambre chargée de deux boîtes en carton et me demanda si je pouvais deviner ce qu’Elle venait d’acheter. Je n’en avais vraiment aucune idée et surtout je n’étais pas d’humeur à résoudre des énigmes. Je lui répondis au hasard qu’Elle devait avoir acheté quelque chose pour sa maison, mais Elle répliqua que c'était pour ma future demeure. Elle se mit d‘ailleurs à défaire les paquets et je découvris toutes sortes d’objets en inox. Elle m’avait acheté un service de table complet en inox, comportant six assiettes indiennes (thali), douze bols (katori), six verres, des ustensiles de cuisine, des cuillères à soupe et à dessert. Elle n’avait dépensé que 590 roupies. Elle me dit que dépenser son argent en vêtements n’était pas vraiment essentiel, mais que disposer d'un service de table complet était bien plus approprié et très important :
"Maintenant tu es un chef de famille et tu dois subvenir aux besoins de ta famille.” Elle me rendit les 110 roupies restantes et j’en eus les larmes aux yeux de gratitude. Je suis fier de dire qu'aujourd’hui encore, après presque trente-sept ans, je mange toujours dans les assiettes qu’elle m’offrit alors. Telles sont sa sagesse et sa clairvoyance. »
Babamama, Mes mémoires, chapitre 6, Life Eternal trust, 2000
Publié par dictionnaire sahaja yoga

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