Shabari, la dévotion incarnée

« Shabari était une véritable chercheuse de pauvre condition à la recherche d'un maître spirituel, d'un gourou qui aurait été Réalisé. Elle voyagea longtemps avant de rencontrer le grand sage Matanga qui vivait au pieds de la montagne dans la forêt de Dandaka en Inde.
Il était si renommé que de nombreux disciples se pressaient dans son ermitage pour recevoir son enseignement. Tous essayaient de montrer à quel point ils étaient disciplinés, sérieux de manière à attirer l’attention du sage. Ils étaient très motivés mais Matanga désespérait de trouver parmi eux une personne assez humble et profonde pour comprendre et porter à son tour la flamme de la spiritualité.

Shabari était très pauvre et vivait dans une petite hutte. Elle n’avait bien sûr, jamais reçu d’éducation car elle appartenait à une caste inférieure et les interdits étaient à l’époque très sérieux. Alors, comme elle sentait que Matanga était d’une grande noblesse, elle éprouvait envers lui une dévotion sincère qu’elle manifestait en secret. Elle nettoyait chaque nuit le chemin qu’il empruntait et prenait soin de l’asperger de gouttelettes d’eau, ainsi la terre sèche de s’envolerait pas en nuages de poussière quand il passerait. Elle déposait un fagot de bois devant sa maison.
Malgré ses tentatives pour rester discrète, ses soins n’avaient pas échappé à la sagacité du sage Matanga. Devant tant de dévotion, le sage avait décidé de l’initier à la connaissance spirituelle.

La dévotion de Shabari grandissait jour après jour et la vie s’écoulait tranquillement. Puis, après plusieurs années, arriva le temps pour Matanga de préparer son "mahasamadhi", c'est-à-dire son départ de la vie terrestre. Cette cérémonie permettait de rejoindre le firmament dans les meilleures conditions possibles. En faisant ses adieux à tous ses disciples, il dit en particulier à Shabari :
- Je vais bientôt mourir, mais ne t’inquiète pas. Le dieu Shri Rama lui-même, l’incarnation du dieu Vishnou, viendra te donner ta libération, (moksha), et tu recevras le bonheur infini et éternel.
- Merci grand sage, dit Shabari. Dès aujourd’hui, je vais me dévouer entièrement au dieu Rama et passer mes journées à le vénérer.
Sa dévotion, (bhakti), était si innocente qu’elle ne pouvait penser à rien d’autre qu’à la venue de Shri Rama. Un jour, on lui a dit que Rama était en chemin vers l’ermitage.

Shabari commençait à perdre son calme habituel. Elle, d’habitude si patiente, avait vraiment du mal à attendre de le rencontrer et se posait aussi beaucoup de questions:
-Que vais-je pouvoir lui offrir ? Je suis si pauvre. C’est un Dieu et il lui faut le meilleur!
Ah, oui, des myrtilles ! Elle s’était élancée vers la forêt pour cueillir des baies, myrtilles, fraises des bois, en fait, tout ce qu’elle pouvait amasser aux alentours.
-Mais si elles sont amères ? Alors, pour éviter de présenter à Shri Rama un fruit qui se serait pas aussi tendre et sucé qu’elle l’aurait voulu, elle goûta toutes les baies, l’une après l’autre, et ne conserva que les plus sucrées, qu’elle posa délicatement dans une corbeille en osier.
En revenant chez elle les bras chargés de ces baies comme d’un trésor, elle pensait tellement à Rama qu’elle ne fit pas attention où elle mettait les pieds et elle frôla accidentellement un sage qui passait par là. Or, c’était une intouchable et le sage un brahmane envers qui on devait le respect.
- Tu ne peux pas faire attention, pauvre femme! Dit le sage très mécontent. Tu dois laisser passer les brahmanes et te mettre sur le côté pour libérer le chemin. Tu n’es pas assez digne pour passer en même temps que moi.
- Pardon, noble sage, c’est ma faute, je suis si étourdie.
- Je vais voir Shri Rama, alors pousse-toi.
Shabari le laissa passer, se sentant toujours un peu confuse et coupable.

Plus tard, le sage coléreux, qui se baignait dans la rivière, trouva l’eau curieusement boueuse.
- Seigneur Rama, connaissez-vous l’origine de cette soudaine pollution?
- Mais oui, lui répondit le seigneur Rama. C’est parce que tu as humilié ma chère Shabari.
A ces mots, le sage, tout honteux sortit de la rivière et alla demander pardon à la douce Shabari, car il avait compris que la pollution était celle qui obstruait son cœur souillé par l’orgueil. Dès l’instant où Shabari lui offrit son pardon, comme par enchantement, la rivière redevint pure et claire. Le sage avait reçu une bonne leçon d’humilité. Quand à Shabari, elle avait retrouvé l’assurance qui lui avait manqué pour aller voir le seigneur Rama.

Elle suivit alors le sage jusqu’à la rivière pour rencontrer Rama. Elle fut inondée de joie à la vue du Seigneur et tomba à ses pieds.
- Relève-toi Shabari, lui dit Rama.
- Vous connaissez mon nom, Seigneur?
- Aucun dieu ne saurait être indifférent à une si belle dévotion.
- Tenez, veuillez accepter cette petite offrande. Je les ai cueillies tout à l’heure dans la forêt, elles sont encore toutes fraîches.
Et Shabari offrit les baies à Rama qu’elle avait goûtées une à une.
- Elles sont délicieuses, dit Rama tout en les mangeant. Ce sont les meilleures baies que j’aie mangées jusque-là. Shri Rama les mangea toutes avec un grand plaisir car il pouvait sentir l’amour de Shabari dans ces myrtilles qui leur donnait un parfum de nectar divin.
- Je suis content de toi Sahbari, dit Rama, de ta simplicité, de ta sincérité et de ta dévotion. Je vais t’accorder un vœu. Demande-moi ce que tu voudras et je t’exaucerai.
- Seigneur Rama, mon seul désir, c’est de pouvoir éternellement vous vénérer, avec la même joie et la même dévotion qu’aujourd’hui.
- Alors je te bénis, ainsi soit-il, Shabari.

Dès cet instant, l’âme de Shabari s’envola pour l’infini. Le seigneur Rama s’occupa lui-même des derniers actes de son corps physique. Il alluma un bûcher pour l’incinérer selon la tradition afin de libérer totalement son âme. »

Shabari est une icône en Inde et son anniversaire a été fêté le 1er mars 2016. Son histoire apparaît pour la première fois dans le Odia Purana. Selon les sources, Shabari était soit fille de rishi, soit de pêcheurs… Pour le Ramayana, Shabari était une grande sainte avec une connaissance spirituelle très élevée. 
Elle est dépeinte sous les traits d’une vielle femme car elle a servi pendant longtemps son gourou avant de pouvoir rencontrer Shri Rama. Elle est l’un des meilleurs exemples qui présentent la bhakti comme étant le meilleur moyen d’atteindre Dieu.
Yogi Mahajan a immortalisé nombre de ces femmes d'exception dans un livre intitulé "Great women of India" publié une première fois en 1991, puis réédité en 2014. Il a écrit une courte histoire sur Shabari.
Les livres de Yogi Mahajan sont ici: https://www.amazon.co.uk/Yogi-Mahajan/e/B001ICJCJO/ref=ntt_dp_epwbk_0
Publié par dictionnaire sahaja yoga

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