V La célébration de la grande Déesse, la victoire de Kali



La naissance de Kali:

Encore une fois, en ce temps-là (pura), c'est-à-dire à un moment indéterminé de l’histoire, les devas sont encore mis en péril par deux nouveaux démons jumeaux, les Asuras Shumbha et Nishumbha. Les trente Dieux (sans la triade Bhrama, Vishnou, Shiva) se retrouvent dépossédés de leur royaume céleste et errent de nouveau sur terre.
Mais cette fois-ci, ils se souviennent du pacte qui a été scellé entre eux et leur Déesse, et décident d’aller chercher aide et protection dans l’Himalaya, le seigneur des montagnes. (5-10)
Ils se mettent à chanter les louanges de Vishnumaya et à lui offrir différentes marques de vénération, lorsque la Déesse Parvati, venue se baigner dans l’eau du Gange les interpelle:
La Déesse aux beaux sourcils demanda:
Qui donc est-elle, celle que vous chantez ainsi?
Et voici que du corps de la Déesse
Surgit la Bénéfique!
5-43
Cette déesse qui sort du corps de Parvati est Ambika, qui portera désormais le nom de Kaushiki, du mot kosa, signifiant corps.
5-47
Parvati ayant perdu sa lumière depuis qu’Ambika a émergé de son être, elle s’appelle maintenant Kalika, ce qui veut dire la Noire. 5-48
Deux lieutenants des deux Asuras jumeaux, passant par là, aperçoivent une très belle femme qui n’est autre qu’Ambika, et décident d’aller rapporter cette nouvelle à Shumba. Une telle beauté ne devrait pas être laissée aux dieux, pensent-ils, et puisque tous les trésors du monde, tous les joyaux et les armes des devas sont en la possession des deux Asuras, pourquoi laisseraient-ils derrière eux une telle splendeur? Ils s'en retournent raconter leur découverte à Shumba.
Il n’en faut pas plus à Shumbha pour être sous le charme. Il décide d'envoyer un autre lieutenant auprès de la Déesse, afin de la convaincre de l’épouser. Ses arguments sont ceux d’un démon: tu seras très riche, très puissante, la reine du monde, et tu m’appartiendras car tu es un joyaux et j’aime les joyaux.
Mais la Bénéfique qui s'appelle à ce moment-là Durga, lui répond ceci au troisième lieutenant:
Ce que tu as dit est vrai.
C’est vrai à coup sûr que Shumbha est à présent
Le maître des trois mondes,
Avec son frère Nishumbha.
5-82
Mais vois-tu, j’ai fait autrefois une promesse
Et comment pourrais-je la trahir ?
Voici ce que j’ai promis, dans un moment de faiblesse:
5-83
Je n’aurais jamais pour mari, ai-je promis,
Que celui qui réussira à me vaincre dans un combat,
Et à détruire mon orgueil.
5-84
Que Shumbha, le grand Asura, vienne donc ici
Ou Nishumbha, peut-être.
Que l’un ou l’autre l’emporte sur moi:
Je lui accorderai ma main.
Va donc! A quoi bon perdre du temps.
5-85
Le lieutenant est soufflé par l’arrogance de cette femme: comment, ose-t-elle défier le plus grand des Asuras alors que même les Dieux ne lui ont pas résisté? Mais Durga tient bon. Elle n’a pas peur de la menace d’être traînée par les cheveux, et lui demande une nouvelle fois de porter son message à Shumbha.
A la fin de ce cinquième chant, la ruse est en place, le piège est tendu, il ne reste plus qu’à attendre la réaction des démons face à la provocation de Durga.


Dès le début du sixième chant du Devi Mahatmya, Shumbha, le roi du peuple des démons dont le nom est Daïtya, réagit avec rage à la proposition de Durga. (Daitya rajaya vistarah.6-2)
En fait, le récit semble donner à Shumbha la prééminence sur son frère jumeau Nishumbha, car c’est lui qui ordonne à un autre lieutenant d’aller chercher "cette mauvaise femme" et de la ramener "traînée par les cheveux" (6-5), menaçant de faire exécuter quiconque, dieu, être céleste ou humain, qui se placerait sur son chemin afin de venir en aide à la Déesse.
Son lieutenant, l’un de ses meilleurs guerriers, escorté d’une soixantaine d’Asuras, menace directement Ambika. Sans combat, il suffit à la Déesse d’un simple "hum" pour le réduire en cendres! (6-15)
De même, il ne faut qu’un instant au valeureux lion de Durga pour détruire entièrement la troupe guerrière. (6-21)

Cette fois-ci Shumbha est en grande fureur. Non seulement il ne se doute toujours pas de qui est son adversaire, mais en plus il ordonne à Chanda et Munda, deux démons très célèbres pour leur force, ceux-là même qui avaient découvert Ambika, de ramener son cadavre ainsi que celui de son lion.
Une nouvelle troupe s’avance alors vers Ambika qui sourit à demi. Elle est assise sur son lion, sur un grand pic doré de l’Himalaya (7-3).
Cette une image forte, celle de cette belle Déesse assise sur son lion dans toute sa splendeur, excite les soldats qui veulent soit l’emmener soit la tuer:
Tatah kopam cakara uccair
Ambika tan arin prati
Kopena caasya vadanath
Masi varnam abhut tada.

Cela mit en rage
Ambika et de cette colère
Qui l’animait contre Ses ennemis
Voici que son corps devint noir comme de l’encre
7-5
Bhukuti kutilat tasya
Lalata phalakad drutam,
Kali karala vadana
Viniskranta asi pasini.

Elle fronça les sourcils
Et de son front jaillit subitement
Kali au visage terrible
Armée d’une épée et d’un lasso.
7-6
La colère noire d’Ambika vient de donner naissance pour la deuxième fois à Kali, la Noire. La Déesse se retrouve donc face à une autre version d'elle-même qui est l’incarnation de son aspect destructeur et guerrier.

Elle tenait aussi dans sa main
Un bâton multicolore orné d’une guirlande de crânes.
Vêtue d’une peau de tigre,
Elle était horrible à voir tant son corps était émacié.
7-7
La bouche grande ouverte
La langue pendante, les yeux rouges,
Le regard noyé
Elle emplissait l’espace de ses mugissements.
7-8
Sautant avec impétuosité
Sur les ennemis des Dieux
Elle en fit périr un grand nombre,
Dévorant des bataillons entiers.
7-9
De sa bouche Elle attrapait au vol
les armes de jet que lui lançaient les Asuras
Et les broyait rageusement
Entre Ses dents.
7-13

Ayant vaincu Chanda puis Munda, Kali leur coupe la tête et pour l’offrir en hommage à Ambika. Devant une telle violence et un tel carnage, le reste de l’armée des démons s’enfuit sans demander son reste. C’est une victoire totale! Mais le combat n’est pas fini. Kali s’adresse à Ambika qui se nomme maintenant Chandika:
Accepte en hommage ces deux victimes sacrificielles,
Ce Chanda et ce Munda que j’ai tués rituellement dans la bataille
A ton tour maintenant d’en finir
Avec Shumbha et Nishumbha!
7-25
Chandika dit:
7-28
Yasmae Chand aca Munda ca
Grhitva tvam upagata,
Chamundaiti tato loke
Khyata Devi bhavisyasi.

Puisque tu es venue à moi en tenant les têtes de Chanda et de Munda,
Dans le monde entier
Sous le nom de Chamunda
On te vénérera
7-29
C'est sur la victoire de Kali que s’achève le septième chant.

D’après La célébration de la grande Déesse ou Devi Mahatmya,
Traduit du Sanscrit par Jean Varenne
Ed. Les belles lettres
Publié par dictionnaire sahaja yoga

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